Outils de calfatage
Comme l'herminette et le rabot navette, ces outils sont spécifiques à la construction navale. Il s'agit d'un maillet, tout en bois, fendu dans le sens longitudinal pour "la faire chanter". J’ai lu à ce propos que l'expression viendrait des navires. Lorsque plusieurs calfats travaillaient sur le bateau, au bruit, le chef de chantier savait repérer si le travail se faisait correctement. Mais de plus, cette particularité serait due aux origines italiennes car "les maillets napolitains chantent, pas les bretons". Toujours est-il que tous les charpentiers ont ce fameux maillet !
Celui-ci est employé avec différents fers. Le premier sans canal appelé "travaillant" sert à rentrer l'étoupe ou le coton. Les fers avec un, deux ou trois canaux sont utilisés pour les points plus larges. Pour calfater les boulons on se sert d'un fer plus évasé. Un autre recourbé sera pour calfater les angles et les endroits inaccessibles. Le dernier outil est un crochet pour retirer la v La coque était alors soigneusement calfatée à l’aide de tresses de coton ou de chanvre, l’étanchéité du bateau était confortée dans les temps les plus anciens par l’usage du brai gras*, de la poix et du goudron obtenus par distillation de la résine de pin.
Les pins sylvestre étaient alors soumis dans notre région à l’opération dite du résinage.
Elle se pratiquait au mois de mai, de larges incisions étaient ouvertes dans les troncs des arbres libérant ainsi leur sève : la résine recueillie dans des pots de terre cuite.
À ces produits odorants devaient plus tard se substituer les mastics synthétiques.
Le ponçage de la coque précédait la mise en peinture.
Une opération longue et délicate menée à l’aide d’une planchette recouverte jadis d’une peau de requin et aujourd’hui par du papier de verre.
Les nœuds étaient soigneusement frottés à l’aide d’une gousse d’ail ou de gomme arabique pour favoriser la prise de la peinture, rouge pour la carène, bleue pour la coque.
Les Outils
Différents outils seront employés pour creuser le bois. Le vilebrequin, c'est uniquement à "partir du XVII0 siècle que son usage s'est bien développé en Europe. Il sert à forer des trous. La même fonction est attribuée à la tarière qui est une grande vrille utile pour faire l'avant-trou sur les grands voiliers car les clous sont insérés dans la masse. Sur les anciens chantiers "les jeunes faisaient des trous toute la journée".
La gouge pour évider le bois ou faire des cannelures permet aussi d'agrandir les trous comme par exemple pour le passage de l'arbre à hélice. Le couteau ou ciseau à bois sert à lever les copeaux mais il permet de creuser aussi la râblure sur la quille. Ces deux outils sont à "percussion perpendiculaire ou oblique linéaire".
Le trusquin, instrument pour tracer est utilisé sur la quille pour avoir la ligne centrale sur laquelle le fil à plomb devra tomber lors de la pesée du bateau.
Le rabotage est un geste constant sur un chantier. Multiples outils ont cette fonction. Mais le plus noble dans la charpenterie de marine est l'herminette. C'est une hache à tranchant recourbé et orienté perpendiculairement au manche. Elle est spécifique au dégrossissage du bois car elle permet de lever des copeaux réguliers. En fait "c'est un des objets capitaux de l'histoire technique ; il n'est presque aucun peuple qui ne l'ait possédée. Deux sortes d'herminette existent en construction navale. La grande dite "à pied" car on travaille debout, l'outil entre les jambes, sert à équarrir les troncs d'arbre. La première planche débitée est ronde alors "on l'aplanit par terre à l'herminette". On dégrossit aussi sur les cintres mais là, la petite herminette est requise, comme par exemple pour aligner les membrures dans la courbure. Mais les herminettes ont été remplacées par les rabots électriques qui facilitent la tâche. Pourtant, tous les informateurs ayant travaillé jeunes à l'herminette en parlent avec amour et beaucoup de regrets. L'herminette reste quand même l'outil propre aux charpentiers de marine et aux tonneliers. Quant aux autres modes de rabotage à main, on retrouve le guillaume pour un travail fin des pièces comme pour "abattre les angles".
Mais sont employés aussi d'autres rabots classiques de tailles variées qui "dans le fil du bois lèvent un copeau mince et régulier, au travers du fil, arrachant des sections dont l'amas constitue la sciure". Il en existe en bois ou en métal, ces derniers faisant un travail plus fin. Les rabots électriques dégagent beaucoup de copeaux, pourtant ils sont pratiques pour les endroits d'accès difficiles comme sous la quille. Malgré cela, l'ouvrage est "moins beau qu'à l'herminette, ça éclate". Un petit rabot en bois, fuselé, est typique de la charpenterie de marine, car rond, il permet de raboter la tranche des bordés. Il est appelé "navette" d'après sa forme.
Différentes scies électriques permettent soit de débiter les planches, soit de les dégrossir, tandis que le passe-partout ou la tronçonneuse sont utilisés pour abattre les arbres. La plus utilisée est la scie à ruban, qui au début du XIXe siècle permettra de travailler les membrures.
Chantier Autiièro à Saint-Aygulf (1985)
Un des traits les plus caractéristiques de la charpenterie de marine sur la côte méditerranéenne est celui des origines italiennes. (Près de 70 %). Aussi, on peut se demander s'il a existé une charpenterie typiquement française en Paca. Il est vrai que l'Italie a joué un rôle très important en Méditer¬ranée avec les grandes Républiques maritimes. De plus, la charpenterie italienne s'est dotée très tôt d'une grande réputation. Dès 1416-1417, les chantiers anglais font appel aux charpentiers et calfats italiens. Les Italiens circulaient le long des côtes en louant leurs services: les communautés de pêcheurs méditerranéens, parfois par la force des choses, s'ouvrent davantage à des pêcheurs forains venus d'Italie ou de Catalogne. À Marseille par exemple, vers 1780, on recensait 15 % des conjoints originaires de la péninsule italienne, de la Ligurie et de la Campanie.
Chaque charpentier organise son espace à sa guise, mais pour un visiteur, l'attrait commun à tous ces chantiers est l'odeur pénétrante du bois, odeur chaude et tenace qui imprègne les vêtements. Et puis la démarche s'assouplit, les copeaux de bois amortissant le mouvement. C'est un lieu sensuel. Mais la couleur du bois est aussi un régal pour les yeux comme les jeux de lumière qui filtrent à travers les planches mal ajustées du hangar. Le chantier est un endroit accueillant qui donne envie de fureter. Et puis, tout l'espace se centre sur une carcasse de bateau, délicatement posée sur une poutre nommée "chantier".
C'était un métier artisanal" qui, aujourd'hui est parti à la dérive. Mais cela semblent dater depuis fort longtemps puisque déjà les Italiens émigraient vers la France en ce début de siècle et que par ailleurs, certains charpentiers étaient aussi pêcheurs.
Les charpentiers de marine vont eux-mêmes en forêt pour examiner les arbres appelés à leur fournir le bois nécessaire.
Les troncs, mais aussi les branches maîtresses susceptibles de leur fournir des pièces de forme sont minutieusement examinés.
Les meilleurs constructeurs de pointus étaient et demeurent les charpentiers de marine d’origine ligurienne ou napolitaine installés dans de pittoresques
chantiers établis près des ports de pêche les plus actifs du littoral varois.
Héritiers d’un savoir-faire exemplaire, transmis de génération en génération souvent dans le plus grand secret, ils travaillent sansplan à partir de gabarits.
Le plus célèbre d’entre eux est le gabarit de Saint-Joseph, un modèle en trois grandeurs qui permettait de tracer les membrures.
Le bois se travaille dans le fil, car il est non isotrope, c'est-à-dire que ses propriétés physiques ne sont pas identiques dans toutes les directions, sinon il casse. De plus, il peut avoir des nœuds.
Dans un bateau, rien n'est droit, aussi seront utilisés pour la quille les "bois les plus droits", pour les varangues (membrures) des "bois en courbes circulaires" ainsi que des "bois en courbes triangulaires". Mais les bois courbes restent un privilège pour les charpentiers : "des planches tordues, c'est presque un trésor, ils les gardent pour l'endroit où elles doivent aller". Quant aux traits dans les bois, c'est sans importance si toutefois "ils s'ouvrent, ils les ouvriront un peu plus et le remplissent d’un fil de coton". Mais même coupé et sec, le bois travaille et "se tord" vers le centre de l'arbre ; on dit alors qu'il "tire à cœur". Le charpentier connaît avec minutie le bois, ses propriétés, ses formes et son évolution. Grossièrement, pour de petites embarcations, "il faut compter deux bons mètres cubes par bateau dont la moitié de déchets" qui iront choir dans la Cheminée.